Art
Lomography lance le Petzval 85mm
La célèbre marque aux appareils en plastique et aux optiques fish-eye, meilleure amie de la mouvance hipster et son côté photo, remet au goût du jour une formule optique datant de… 1840 ! Hé oui, quand on vous dit qu’on est vintage.
Loin des canons actuels concernant les optiques photo, toutes en « piqué » et en « bokeh », Lomography la joue rétro-pédalage en présentant un objectif à portrait disponible en monture Canon et Nikon. L’objectif est simple (sans mauvais jeu de mots) : récréer un objectif à portrait classique du 19ème siècle en le rendant adaptable sur des boîtiers numériques modernes. Après une levée de fonds couronnée de succès via le site Kickstarter, rassemblant plus d’un million de dollars, Lomo rend maintenant cet ovni optique disponible !
En 1840, le hongrois Joseph Petzval (d’où le nom de l’optique) conçoit un objectif révolutionnaire pour son époque. Car aux débuts de la photographie, les diaphragmes étaient incapables de s’ouvrir autant que ceux de nos focales fixes et autres zooms actuels, ce qui ne permettait qu’à très peu de lumière d’arriver sur le support sensible, d’où des temps d’exposition de plusieurs minutes (et des photos floues). Le concept de Petzval ramena l’ouverture de diaphragme maxime à f/3.7, un choc pour l’époque, et qui rendait possible la prise de vue en quelques secondes, plutôt qu’en minutes. La formule optique incluait 4 verres répartis en deux groupes, les zooms modernes les plus imposants contiennent entre 15 et 20 éléments répartis en une dizaine de groupes au maximum, à titre de comparaison.
Les optiques à portrait modernes telles que le monstrueux Canon 85mm f/1.2, atteignent désormais des niveaux optiques incomparables avec cet objectif antédiluvien, permettant un niveau de détails impressionnant et une absence de défauts optiques tels que distorsion et aberrations chromatiques.
Alors pourquoi remettre cette formule optique vieille de 170 ans au goût du jour ? Tout simplement car elle permet un rendu unique. Il ne faut clairement pas y chercher une qualité comparable aux optiques modernes, mais justement jouer le jeu à fond et exploiter ses défauts optiques pour donner du chien à ses clichés. Il est vrai que si le passage du film au numérique a marqué les esprits en substituant des rendus d’une perfection froide et clinique aux images pleines de grain et chaleureuses grâce à leurs défauts, les avancées dans le domaine optique n’en ont pas moins joué un rôle important dans l’aseptisation du rendu des photos modernes. Tout est fait pour retirer le moindre défaut optique, mais dans le même temps on enlève également tout caractère aux images.
Lomography propose donc de rendre un peu de « gueule » à vos clichés avec ce caillou rétro. Cherchant délibérément à reproduire les défauts du design originel, le Petzval propose un fort vignettage (assombrissement du bord des images) ainsi qu’une distorsion optique unique, qui rend les plans plus bombés qu’ils ne le sont réellement. C’est donc une optique dédiée à un public informé de ce caractère unique, et à même d’en jouer. Ce n’est en tout cas pas un objectif qu’on laisse collé par défaut à son boîtier.
La netteté est plutôt basse, et le bord des images souffre d’une sévère mollesse dans les détails, ce n’est pas une optique pour publicité Clarins ! Le plus impressionnant reste le flou d’arrière-plan très spécial, plein d’une sorte de mouvement ovale donnant une atmosphère unique aux clichés produits par ce 85mm. Un effet qui n’est pas sans rappeler les objectifs soviétiques datant de la Guerre Froide, comme ce Jupiter 85mm f/2 (voir la galerie d’images associée).
L’objet en lui-même ne passe en tout cas absolument pas inaperçu, il faut dire que son look est plus qu’exotique lorsqu’on le pose à côté d’un zoom Nikon, voir ici. Lomography a fait le choix d’utiliser les matériaux d’origine, l’optique est ainsi faite d’un corps en laiton, d’un bouton dédié à la mise au point et dispose d’un système de diaphragme amovible. A vous donc de choisir quelle lamelle insérer en fonction de l’ouverture que vous souhaitez fixer. Un dispositif assez lourd qui incline très fortement à laisser une lamelle de façon permanente, de préférence celle octroyant l’ouverture maximale, et à ne plus trop y toucher.
Le look est en tout cas unique sur le marché, même si ce design délicieusement rétro ne supportera pas forcément très bien d’être fixé sur un boîter ultra-moderne, puisqu’il est vrai que l’alliance ne brille alors pas vraiment par son homogénéité. L’optique est disponible dans une version noire, plus coûteuse, qui sera déjà plus passe-partout, tout en perdant un peu de son cachet il faut dire. Certains appareils jouant la carte du design vintage seront en revanche plus que fringants avec bijou rétro, on mise sur le Nikon DF nous !
Annoncé à 550 €, le Petzval a apparemment su trouver son public puisque la première série de précommandes est déjà complète, une deuxième série est ouverte sur le site de Lomography pour une livraison prévue en septembre de cette année. Avec son design unique et son rendu optique plus axé sur l’atmosphère que la performance pure, Monsieur Vintage ne vous le conseille que si vous êtes conscient de ses « défauts » et voulez justement jouer avec. Si ce n’est pas ce qui vous intéresse, des focales fixes plus abordables et bien plus performantes sont disponibles chez tous les grands constructeurs. On se retrouve bientôt pour parler du Russar +, le grand-angle Lomography inspiré d’un objectif de 1958.
Fondateur du site MONSIEUR VINTAGE le 14 février 2014, Philippe est issu de la presse écrite automobile : Auto Plus, Sport Auto, Auto Journal, Décision Auto, La Revue Automobile et La Centrale. Il collabore également au magazine EDGAR comme responsable de la rubrique auto/moto.
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