LE RIDEAU DÉCHIRÉ : LE HITCHCOCK DE LA GUERRE FROIDE – CE SOIR SUR ARTE À 20H55
Ce soir à 20h55, ARTE diffuse Le Rideau déchiré (Torn Curtain), l’un des films les plus commentés de la période tardive d’Alfred Hitchcock. Sorti en 1966, le long-métrage réunit deux monuments hollywoodiens, Paul Newman et Julie Andrews, dans un thriller embrumé par la paranoïa, le mensonge et la tension géopolitique. Retour sur un film souvent sous-estimé, dont la genèse tourmentée et l’esthétique singulière méritent d’être redécouvertes.
- Une genèse sous haute tension
- Un synopsis entre faux-semblants et paranoïa
- Hitchcock contre Hitchcock : un film de studio… qui reste un film d’auteur
- Paul Newman : un acteur mythique dans un rôle ambigu
- Une esthétique glacée, miroir de la guerre froide
- Un accueil contrasté… mais un film désormais réhabilité
- Fiche technique
Une genèse sous haute tension
Au milieu des années 1960, Alfred Hitchcock sort d’un triomphe critique et public : Les Oiseaux. Mais Universal souhaite désormais orienter ses projets vers des productions plus « grand public » et s’appuyer sur des stars bankables pour assurer le succès international des films. Le studio impose donc Paul Newman, jeune prodige auréolé d’un prestige immense, et Julie Andrews, alors au sommet après Mary Poppins et La Mélodie du bonheur.
Hitchcock, déjà peu enclin à travailler avec des acteurs trop conscients de leur aura, doit composer. À cela s’ajoute une autre contrainte : le contexte brûlant de la guerre froide, qui pousse Universal à exiger un film clairement positionné du côté américain. Le cinéaste, lui, préfère les zones grises, la manipulation et la paranoïa. Il accepte néanmoins le projet, mais conservera toute sa liberté d’auteur… en subvertissant subtilement les attentes du studio.
Un synopsis entre faux-semblants et paranoïa
Le film suit Michael Armstrong (Paul Newman), scientifique américain proche du Pentagone, en route pour un congrès sur l’atome au Danemark. Mais sa fiancée et assistante Sarah (Julie Andrews) découvre qu’il a secrètement pris un billet pour Berlin-Est, et le suit. Armstrong semble décidé à collaborer avec un chercheur de RDA sur un système antimissile, au risque de passer résolument « de l’autre côté ».
C’est ce basculement, réel ou feint, qui installe le film dans une ambiguïté permanente, que Hitchcock cultive en filmant l’Est comme un monde miroir, familier mais inquiétant, presque déformé.
Hitchcock contre Hitchcock : un film de studio… qui reste un film d’auteur
Contrairement à L’Étau, plus ouvertement politique, Le Rideau déchiré semble au premier regard servir la propagande américaine. C’est précisément de cette contrainte que Hitchcock tire sa force : il transforme la mécanique du film d’espionnage en une plongée dans une Allemagne de l’Est fantasmée, irréelle, presque expressionniste.
Le réalisateur privilégie les espaces clos, les visages traqués, les atmosphères pesantes. La RDA y apparaît comme un double sombre du monde occidental, un reflet paranoïaque plutôt qu’un décor réaliste.
La scène la plus célèbre du film, le meurtre long, pénible, réaliste, marque une rupture dans son œuvre : Hitchcock y montre combien tuer est difficile, bruyant, laborieux, loin du glamour des espions. Une séquence qui annonce la crudité de Frenzy et qui imprime au film une angoisse persistante.

© 1966 Universal Studios
Paul Newman : un acteur mythique dans un rôle ambigu
Le choix de Paul Newman fut l’un des éléments les plus commentés de la production. Méthodique, exigeant, adepte de l’Actors Studio, l’acteur se heurte fréquemment aux méthodes millimétrées d’Hitchcock, qui préférait des interprètes « malléables » et contrôlables.
Cependant, le résultat à l’écran est puissant. Newman apporte au personnage une profondeur psychologique, une nervosité presque palpable. Son regard bleu, d’ordinaire si serein, devient un outil dramatique : on ne sait jamais si Armstrong dit vrai, s’il est prêt à trahir ou déjà en train de jouer un double jeu.
Face à lui, Julie Andrews se glisse dans un rôle à contre-emploi, bien éloigné de ses personnages lumineux de comédie musicale. Son Sarah, fragile mais déterminée, est l’élément émotionnel du film, la conscience morale dans un monde trouble.
Une esthétique glacée, miroir de la guerre froide
Si Le Rideau déchiré a parfois souffert d’un accueil mitigé à sa sortie, certains critiques reprochant une intrigue « trop américaine » ou une mise en scène moins flamboyante, sa redécouverte récente met en lumière l’audace visuelle et narrative du maître.
Hitchcock filme l’Allemagne de l’Est comme un espace abstrait, presque onirique. Couleurs froides, décors oppressants, trains, murs, couloirs interminables : tout devient un labyrinthe. La photographie traduit une Europe figée, prisonnière de la surveillance et du soupçon.
La musique de John Addison, remplaçant Bernard Herrmann, autre décision imposée à Hitchcock, accentue cette atmosphère de danger silencieux.
Un accueil contrasté… mais un film désormais réhabilité
Lors de sa sortie en 1966, le film est accueilli fraîchement. Les fans d’Hitchcock attendaient un suspense plus flamboyant, tandis que les studios espéraient un blockbuster de guerre froide. Torn Curtain se situe entre les deux, ce qui troubla le public.
Avec le recul, son intelligence se révèle pleinement :
• un film sur le mensonge, réel ou fabriqué ;
• un thriller où l’ennemi est autant extérieur qu’intérieur ;
• un jeu constant sur l’apparence, l’identité, le double.
Bien plus subtil que ce que sa réputation laissait croire, Le Rideau déchiré trouve aujourd’hui une nouvelle place dans la filmographie hitchcockienne : celle d’un film de transition, annonciateur d’une veine plus sombre, plus réaliste, plus cruelle.
Fiche technique
Le Rideau Déchiré – Torn Curtain
États-Unis – 1966 – 2h02 – VF/VOSTF
Un film d’Alfred Hitchcock
Scénario : Brian Moore
Avec : Paul Newman, Julie Andrews, Lila Kedrova, Wolfgang Kieling, Günter Strack, Ludwig Donat, Tamara Toumanova
Production : Universal Pictures
Diffusion : ARTE, 24 novembre 2025 à 20h55
Crédit photo : Universal Studios© - 1966

Créateur de MonsieurVintage, Philippe est un passionné de belles mécaniques, de voyages et d’objets qui ont une âme. À travers son regard, chaque moto, voiture ou destination raconte une histoire, dans une quête d’authenticité et d’élégance intemporelle.
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