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INTERVIEW DE JEAN-FRANÇOIS BARDINON : PDG DE CHAPAL

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Rencontre avec Jean-François Bardinon, PDG de CHAPAL, entreprise française de prêt-à-porter de luxe et de maroquinerie fondée par ses aïeux en 1832 et dont l’histoire est intimement liée à l’automobile mais aussi à l’armée américaine. Chapal est devenu au début du 20ème siècle le fournisseur de l’armée américaine pour la fabrication de ses blousons bombardiers, grâce à ses brevets obtenus dans le traitement des cuirs. Jean-François Bardinon fragmente l’image et invente une histoire avec le cuir. Personnage hors du commun, comme il en existe peu, artisan de la passion, ce gentilhomme a reçu Monsieur Vintage dans son showroom de la rue de Rivoli à Paris.
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Jean-François Bardinon. Crédit photo : Philippe Pillon©

Qui êtes-vous Jean-François Bardinon ? Avant toute chose, un gamin, un môme, j’ai 15 ans d’âge dans ma tête. Je suis toujours jeune dans ma tête et même mes filles me le font remarquer tous les jours.

On connait le patron d’industrie mais certains ne savent pas que vous êtes avant tout un créateur. J’aime la création. Le business ne m’intéresse pas, cela m’ennuie mais on est bien obligé. Je rêverais d’un duo Saint Laurent/Bergé. J’adorerais qu’on me laisse tranquille dessiner mes trucs. Je suis mieux à l’usine, à l’atelier à dessiner. C’est ma façon de m’en sortir. Il n’y a que la création qui m’amuse. J’aime bien le dessin, les matières… Il n’y a pas de collection à proprement parler. Je sors ce que j’ai envie de sortir. Je travaille de façon très artisanale en direct avec mes ouvriers. J’aime bien m’installer devant une machine à coudre par exemple et créer au fur et à mesure. C’est la création qui m’anime. J’adorerais avoir quelqu’un à mes côtés qui gère et qui me dise : « ne t’inquiètes pas ». Mais, il ne faut pas être insouciant. Au final, on se partage pour tout. Je fais confiance à mon équipe. 

Quel est l’ADN de la marque Chapal ? L’ADN de Chapal c’est cette génération d’industriels, c’est la famille, le savoir-faire, l’histoire. J’aime bien l’actionnariat familial. Je reconnais et j’approuve. Heureusement que des grands groupes financiers sont venus sauver le luxe car sinon, sans la venue de Bernard Arnault et de François Pinault, on aurait disparu. Mais a contrario, cela a un peu retiré de l’humain à ces entreprises là. On peut le dire au niveau économique de façon globale en France. On s’est trompé sur le fait de ne pas soutenir l’actionnariat familial indépendant. C’est viscéral. A partir du moment où je suis né dans mon pays, je suis né avec un environnement de gens autour de moi, de savoir, d’ouvriers qui ont vécu avec moi. Il faut continuer à défendre notre petit pré carré. Je défends d’un point de vue marketing certes et d’un point de vue historique ce que mes grands parents m’ont raconté : la vie d’une entreprise française où tout était intégré. On avait nos propres menuisiers, tout était compris dans mon entreprise et ça c’est mon ADN. Mon ADN, c’est le savoir-faire des hommes dans l’entreprise au service d’un client qui vient chercher chez nous une marque spécifique, très particulière avec ses petites imperfections et ses qualités mais au moins il achète un véritable esprit.

Quelles sont vos sources d’inspiration pour créer  un modèle ? La forme. En fait, il faut que ce soit beau, chic. Une fois que vous êtes parti dans une sorte de raisonnement, tout devient création en permanence. On voit les choses, les formes. Je suis myope et c’est un avantage pour interpréter les formes. Tout se met en place dans une sorte d’inconscience. On a tellement progressé au sein de l’usine dans la qualité qu’aujourd’hui, ce qui m’anime, c’est un bel objet quel qu’il soit, un vêtement par exemple. Actuellement, je suis plutôt sur des tenues d’hommes et de femmes. Je m’intéresse de plus en plus à l’humain, à l’homme, à la beauté de l’habiller, comment l’habiller, comment est faite une femme, un homme, afin de les vêtir de façon très juste. C’est une volonté. Je pars toujours à un moment donné non pas de l’excentricité mais de ce besoin de faire du n’importe quoi avec n’importe quoi. A un moment donné, cela peut paraître paradoxal car je veux que ce soit très pur, très beau etc., redevenir presque le styliste de demain qui sait refaire comme c’était fait à l’époque comme Lanvin qui pouvait faire des costumes d’hommes d’une qualité extraordinaire. C’est vrai que j’aimerais bien ressortir un peu ce qu’a fait Ralph Lauren : la belle fabrication, le style d’après guerre, le beau façonnage. Cela m’anime.

Quelle personnalité aimeriez-vous habiller ? Je sais qu’il y en a certains que je ne souhaite pas habiller. J’ai la volonté d’habiller des gens gentils, discrets, aimables. En l’occurrence, on m’a présenté Christophe Willem qui est un personnage charmant, respectueux et attachant. C’est bien volontiers que je continuerai l’aventure avec lui. J’insiste sur le fait que la gentillesse doit être un des caractères prédominants pour travailler avec Chapal. Aujourd’hui, être gentil, c’est être considéré comme un extraterrestre. Notre maison a la chance de travailler avec Paul Belmondo qui est un être charmant ; il correspond bien à notre image. C’est un type super. Les gens gentils ne sont pas compliqués. Pas facile de déceler des gens gentils à notre image à travers des magazines. J’aime les gens qui ont une sorte de simplicité ; je trouve cela merveilleux. Pour répondre à votre question, il m’est difficile de nommer une personnalité particulière mais au gré de mes rencontres, je peux vous dire qu’en tout état de cause, c’est la gentillesse qui prime avant tout sans oublier l’authenticité. Ce sont les vrais ambassadeurs de la marque Chapal.

Chapal… masculin…féminin ? C’est masculin à 80 %. J’aime la plastique, les choses bien faites. J’aime beaucoup les femmes, leur plastique est magnifique. J’adore lorsqu’elles s’habillent avec mes créations. Pour moi, c’est le summum mais ce n’est pas suffisant. Toute la gente féminine ne peut pas s’habiller en homme. En fait, c’est mon équipe féminine qui m’incite à créer pour les femmes. Donc, petit à petit, on va vers le féminin. Mon grand bonheur, c’est d’habiller les femmes. Depuis quelques mois, on sort des accessoires pour les femmes tels que des sacs à main par exemple. On sent un engouement.

Monsieur Bardinon,  pensez-vous que le passé a de l’avenir ? Personnellement, je vous dirai que oui, le passé a de l’avenir. C’est certain. Je suis malheureux car ce que j’applique moi à mon entreprise, j’aimerais qu’on l’applique à la France, au Monde. Quand on a la chance d’avoir connu ce qu’on a connu les uns et les autres, par rapport à un passé, on le fait d’une certaine façon sans s’en rendre compte : quand on va faire visiter le château de Versailles, c’est bien d’utiliser le passé au profit de l’avenir. Mais le drame, c’est qu’il ne faut pas que réinterpréter le passé ou que jouer sur l’avenir. Ce qu’il faut, c’est profiter et donner cette assurance. C’est fantastique de pouvoir donner ce que nous donnons au monde entier, ce que Chapal peut apporter par son antériorité. Cela ne suffit pas mais surtout, il ne faut pas le bannir, le cacher mais l’utiliser pour continuer. On a de beaux exemples : ces grandes maisons de luxe qui montrent qu’en faisant des métiers très traditionnels, (rachat de tannerie), elles perpétuent ce qu’on fait depuis 100 ans. On fabrique et on teint de la même façon. Donc, maintenant, je vais suivre le mouvement.

Tant que des grands groupes financiers prouveront que la tradition et le travail bien fait peuvent vivre, moi qui suis « un microbe », je continue presque les yeux fermés tout en créant de la mode. Dans nos métiers traditionnels, il ne faut pas vouloir être Microsoft ou Apple, même si on utilise ces outils pour gérer nos entreprises. On en est encore à fabriquer et à dessiner à la main. Cela a de l’avenir pour autant que nos clients ont envie d’avoir un travail artisanal et manuel. Personnellement, j’y crois car sinon, qu’est-ce qu’on va faire des gens ? Les gens ont besoin d’être rassurés par rapport à un passé, par rapport à un travail bien fait et c’est vrai que ces grands groupes me donnent un peu confiance. Si j’étais le seul au monde à faire ce que je fais, dans un an, il n’y aurait plus rien. Alors que là, les grandes entreprises investissent et les gens réclament. Donc oui, le passé est très important par rapport à l’image du savoir-faire pour correspondre à une demande du moment.

Jean-François Bardinon, nostalgique ou vintage ? Complètement vintage. Je ne suis pas nostalgique. Pour moi, le nostalgique, ça a un côté passé, fini, triste…

Avez-vous une fantasme vintage ? Tout ce qui est fabrication, je peux me l’offrir. Par contre, redonnez-moi de vrais hommes politiques car qu’est-ce que je souffre ! Redonnez-moi du Pompidou, des hommes charismatiques… Côté voiture, ressortez-moi une type E, une vraie. Il n’aurait jamais fallu arrêter la production de l’Alpine A 110 Berlinette. Il aurait fallu faire avec l’A 110 ce qui a été fait chez Porsche avec la 911. Le côté sentimental et humain a disparu des entreprises. On a quand même retiré la valeur humaine. Bref, pour mon fantasme vintage, je veux du bon politique… des humains avec une éducation et une bonne culture.

Pour quelles raisons, aujourd’hui, devons-nous acheter « Chapal » ? Pour retrouver cette joie de vivre qui nous anime, nous les passionnés du vintage, redonner un vrai sens au produit, un produit qui vous rappellera votre enfance, votre adolescence. Chapal essaie d’être garant d’une France traditionnelle. Les gens qui viennent acheter du Chapal, ils retrouvent dans un prêt-à-porter raisonnable les grandes époques de ce que pouvait être le luxe en France. Nous continuons à préserver, exactement comme cela pouvait être dans les années 50-60 et même avant. Chez Chapal, le client est roi avec des produits garantis à vie. Il a l’assurance de posséder un vrai produit qui lui correspond, avec de vraies valeurs.

CHAPAL Tannerie – Prêt-à-porter – Accessoires : cuir et peaux

Site internet CHAPAL 

Interview réalisée par Claude Petrolesi et Philippe Pillon
Portrait J.F BARDINON  : Crédit photo Philippe Pillon©

 

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