Musique
L’aigle noir : métaphore d’un inceste
“J’ai de plus en plus peur de mon père. Il le sent. Il le sait. J’ai tellement besoin de ma mère, mais comment faire pour lui parler ? Et que lui dire ? Que je trouve le comportement de mon père bizarre ? Je me tais. Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l’horreur. J’ai dix ans et demi. Les enfants se taisent parce qu’on refuse de les croire. Parce qu’on les soupçonne d’affabuler. Parce qu’ils ont honte et qu’ils se sentent coupables. Parce qu’ils ont peur. Parce qu’ils croient qu’ils sont les seuls au monde avec leur terrible secret. De ces humiliations infligées à l’enfance, de ces hautes turbulences, de ces descentes au fond du fond, j’ai toujours ressurgi. Sûr, il m’a fallu un sacré goût de vivre, une sacrée envie d’être heureuse, une sacrée volonté d’atteindre le plaisir dans les bras d’un homme, pour me sentir un jour purifiée de tout, longtemps après”.
Ce texte est tiré des mémoires inachevées de la chanteuse Barbara, et publiées chez Fayard en 1998, un an après sa mort. Il évoque l’inceste qu’a vécu la jeune fille qu’elle était à l’âge de 10 ans et demi. C’était à Tarbes, il y en a eu d’autres, qui ont fait basculer sa vie de petite fille dans l’horreur, à l’âge où normalement, on joue à la poupée.
Ce matin je marchais au square des Batignolles, non loin de l’endroit où Barbara Andrée Serf dite Barbara était née. C’est au 6 de la rue Brochant qu’elle naquît, le 9 juin 1930, cela fera 84 ans demain. Je traverse l’allée Barbara en pensant à elle, et à ses chansons merveilleuses, uniques. A l’une d’entre elles en particulier, dont le sens m’avait effrayé lorsque je pu enfin l’entendre.
Lorsque j’étais gamin, ma mère passait et repassait l’album “L’aigle noir” sur lequel le morceau éponyme avait été enregistré, comme tout gosse, je pensais qu’il s’agissait du rapace. Lorsque j’appris que cette chanson magnifique était en fait la métaphore, au travers de l’aigle, des viols que Barbara enfant avait subi sous les assauts de son père, la chanson prit alors une dimension nouvelle, et effroyable.
L’aigle noir raconte le rêve d’une femme, pendant lequel un aigle apparaît, sombre et magnifique, son père surgissant du passé. Relisez les paroles, inscrites sous la vidéo, l’interprétation se fera d’elle-même.
L’aigle noir : paroles et musique ; Barbara. 1970
Un beau jour ou peut-être une nuit
Près d’un lac je m’étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel
Et venant de nulle part,
Surgit un aigle noir.
Lentement, les ailes déployées,
Lentement, je le vis tournoyer
Près de moi, dans un bruissement d’ailes,
Comme tombé du ciel
L’oiseau vint se poser.
Il avait les yeux couleur rubis
Et des plumes couleur de la nuit
À son front, brillant de mille feux,
L’oiseau roi couronné
Portait un diamant bleu.
De son bec, il a touché ma joue
Dans ma main, il a glissé son cou
C’est alors que je l’ai reconnu
Surgissant du passé
Il m’était revenu.
Dis l’oiseau, o dis, emmène-moi
Retournons au pays d’autrefois
Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Pour cueillir en tremblant
Des étoiles, des étoiles.
Comme avant, dans mes rêves d’enfant,
Comme avant, sur un nuage blanc,
Comme avant, allumer le soleil,
Être faiseur de pluie
Et faire des merveilles.
L’aigle noir dans un bruissement d’ailes
Prit son vol pour regagner le ciel
Quatre plumes, couleur de la nuit,
Une larme, ou peut-être un rubis
J’avais froid, il ne me restait rien
L’oiseau m’avait laissée
Seule avec mon chagrin
Un beau jour, ou était-ce une nuit
Près d’un lac je m’étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel,
Et venant de nulle part
Surgit un aigle noir.
Crédit photo : Wikipedia licence creative commons – La chanteuse Barbara, le 19 octobre 1965 – National Archief – Ron Kroon© pour Anefo.
Fondateur du site MONSIEUR VINTAGE le 14 février 2014, Philippe est issu de la presse écrite automobile : Auto Plus, Sport Auto, Auto Journal, Décision Auto, La Revue Automobile et La Centrale. Il collabore également au magazine EDGAR comme responsable de la rubrique auto/moto.
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Éphéméride rétro : ça s’est passé un 7 septembre
Hélène DESLIONS
09/03/2016 at 20h31
Quelle honte… de colporter ces horribles ragots qui n’ont aucun sens ! La demie sœur de Barbara APRÈS la mort de celle-ci, aurait découvert des « mémoires » de la chanteuse et met en exergue ce texte qui n’a pour moi absolument pas le sens que vous lui donnez et qui pourrait même être interprété à l’inverse ! Lorsque Barbara est décédée, l’inceste était « en vogue », plusieurs cas ont été révélés, et la demie sœur de cette si grande chanteuse a cédé sans doute à la gloriole, à l’argent… C’est tellement misérable même si c’était très vendeur !!! De son vivant, Barbara n’a JAMAIS parlé d’inceste, JAMAIS et on ne peut pas la qualifier de timorée. Si elle avait vécu cet inceste, elle aurait trouvé des mots pour le dire bien plus justes que ceux évoqués dans l’Aigle noir. Elle a dit, DIT dans de nombreuses interviews, ses relations avec un père trop souvent absent, qui avait abandonné sa famille et dont chaque retour était fêté avec faste au grand dam de la maman qui se battait, elle, journellement pour les faire vivre… Relisez les paroles de « Nantes » et vous aurez peut-être une idée de l’amour qu’elle portait à son père !!! Voilà, je déteste que l’on fasse parler les morts, c’est malsain !
Steven
18/04/2017 at 1h50
Parler des viols ou de l’inceste comme d’un fait à la mode… Le fait que ce ne soit plus accepté est une bonne chose. Les cas inventés sont rares. Vous les croyez nombreux parce que la presse en parle régulièrement.
De plus, elle en a bien parlé de son vivant. Visiblement, vous la connaissez assez mal, malgré votre assurance.
Maurice Pénis
23/07/2017 at 23h11
Moi je pense que vous avez trop de temps libres tout le monde !
L’Aigle Noir ca veut dire un gros oiseau noir.
David Courtois
03/03/2018 at 2h37
Cher Monsieur Pillon,
Vous feriez bien, avant d’affirmer connaître le sens caché d’une chanson, de vous documenter un peu plus longuement, sans reprendre bêtement les interprétations très péremptoires qu’en font certaines personnes qui croient apparemment pouvoir pénétrer dans la tête de l’artiste qui l’a écrite.
A l’heure d’aujourd’hui, personne, à ma connaissance, n’est en mesure de pouvoir affirmer quelle est la signification réelle de cette chanson. Pour vous le prouver, voici une copie d’un commentaire que j’ai déjà posté sur un autre site, en réponse à ce même genre d’affirmation péremptoire, ainsi que quelques coordonnées de sites qui donnent des réflexions et des infos très intéressantes et pertinentes sur le sens de cette chanson. J’espère que vous lirez tout cela et qu’ensuite, vous aurez l’honnêteté au moins de dire que cette interprétation n’est que votre avis et en aucun cas quelque chose de certain! A bon entendeur, salut !
« Ne soyons pas si affirmatifs, en affirmant que Barbara parle de sa relation incestueuse avec son père dans cette chanson! Barbara n’a jamais confirmé cette interprétation, pourtant plausible, de sa chanson. On ne peut que supposer.
Mais de là à affirmer, il y a un pas que je ne franchirai pas. Cette chanson a probablement plusieurs niveaux de lecture, comme le dit Patrick Bruel, qui a bien connu Barbara.
Tout d’abord, Barbara elle-même a bien, lors d’une interview, dit qu’il s’agissait d’un rêve magnifique qu’elle avait fait. Je cite : « « L’aigle noir », c’est une chanson que j’ai rêvée : j’ai fait un jour un rêve, bien plus beau que la chanson, où j’ai vu descendre cet aigle, et je l’ai ensuite donnée à une petite fille de quatre ans, Laurence, qui était ma nièce. Après ce rêve, il m’est vraiment arrivé des choses extraordinaires ! » » Voilà pour l’aspect « rêve » de la chanson.
Ensuite, n’oublions pas que Barbara est issue d’une famille juive alsacienne, qu’elle avait une dizaine d’années pendant l’occupation nazie et que ses parents ont dû fuir en Isère jusqu’à la fin de la guerre. L’aigle noir peu aussi être le symbole du IIIème Reich.
Enfin, rappelez-vous que Barbara elle-même, lorsqu’on l’interrogeait sur le véritable sens de cette chanson, bottait en touche en répondant que cela ne concernait qu’elle et que, je cite : »Ce ne sont pas les paroles qui sont importantes… »
Pour conclure, si l’interprétation de l’inceste peu éventuellement être la bonne, rien n’est moins sûr, surtout vu ce qu’en dit (sur ce site : http://www.dandelotmije.com/article-les-internautes-reagissent-a-la-chanson-de-barbara-l-aigle-noir-53125445.html) le président de l’association « Les amis de Barbara », un véritable ancien ami de l’artiste, part l’intermédiaire de ce « Pierre » qui y a laissé un commentaire très intéressant. Il peut aussi s’agir d’un véritable rêve, dont on n’est même pas certain que Barbara elle-même en saisissait la vraie signification, si tant est qu’il y en ai une. Tous les beaux rêves n’en ont pas forcément une…
Il peut aussi s’agir d’une métaphore qui parle tout simplement de la perte de l’innocence et de la pureté de l’enfance, une fois que l’on devient adulte. Relisez le texte avec cette idée en tête et vous verrez que ça colle aussi.
Enfin, même si l’hypothèse de l’inceste s’avérait être la bonne, il semble bien qu’il y ait plus que cela dans cette chanson, que Barbara aimait son père malgré tout, que, avant ces viols horribles, elle devait être un peu amoureuse de son papa, comme presque toutes les petites filles qui vivent normalement leur complexe d’œdipe, et qu’elle le prenait sans doute pour un héro fantastique, si on écoute bien la chanson (« Retournons au pays d’autrefois » etc.).
D’autre part, elle semble indiquer, à la fois par le texte et surtout l’ambiance de la chanson, (Peut-être est-ce là la raison pour laquelle elle dit que ce ne sont pas les paroles qui sont importantes dans la chanson… ?) elle semble indiquer, donc, comme une retrouvaille post-mortem et une réconciliation avec son père, qui lui aurait fait, par ce rêve ou autrement, une visite après sa mort à lui, pour lui demander pardon, lui dire qu’il l’aime malgré tout très fort et qu’il est venu lui présenter ses excuses silencieuses, pour ensuite repartir apaisé au ciel. Mais elle, même si elle semble avoir été très heureuse de cette retrouvaille réconciliatrice, elle reste triste de son départ. C’est une autre interprétation possible, mais qui n’est en rien certaine non plus.
Comme je l’ai déjà dit plus haut, il y a sans doutes plusieurs niveaux de lecture dans cette chanson, et c’est entre autre, ce qui fait sa force et sa beauté… Aussi, gardons-nous d’être trop affirmatifs, car nous ne sommes pas et ne serons jamais dans la tête de Barbara. Elle seule sait ce qu’elle a voulu dire! Si elle a voulu dire quelque chose d’autre que relater un merveilleux rêve qu’elle aurait réellement fait, d’après ses propres dires!…
Voir aussi ces sites :
http://www.disons.fr/?p=18976
https://youtu.be/YdKH1TU2B7E
http://gouttedeau.blog.lemonde.fr/2012/10/12/laigle-noir-dire-avec-les-mots-ce-que-les-mots-ne-peuvent-pas-dire-cazenave/
Philippe Pillon
05/03/2018 at 16h25
Cher Monsieur Courtois, tout d’abord merci pour votre message et vos différentes interprétations de cette magnifique chanson qu’est « L’aigle noir » de Barbara.Celle-ci aura en tout cas fait couler beaucoup d’encre. je vous invite à relire, pour rester dans les références et les liens internet, cet article intéressant de Claire Devarrieux et Mathieu Lindon paru dans Libération le 17 septembre 1998 :
http://next.liberation.fr/livres/1998/09/17/sa-moins-belle-histoire-d-amour-barbara-decrit-les-coulisses-de-nantes-un-inceste-pere-fille-et-son-_246029
Quant à « reprendre bêtement les interprétations péromptoires » de certains, il n’en n’est rien puisque comme vous le signalez vous-même, il s’agit de ma propre interprétation, mais basée sur des écrits de la chanteuse, rédigés dans ses mémoires inachevées parues chez Fayard en 1998 et sur la démarche faite par Barbara en personne, en 1946, auprès de la gendarmerie de Trégastel, pour porter plainte contre son père. Un passage évoqué dans le livre « Les magnifiques : une autre histoire de la chanson française » écrit par Nicolas Crousse et publié chez Flammarion le 5 juin 2012. Pour revenir au texte de la chanson « L’aigle noir », il est très clair, même si Barbara ne désigne pas son père.
Quant au texte du psychologue Philippe Grimbert que vous indiquez, il s’agit de son interprétation personnelle. « Plusieurs niveaux de lecture », chacun se fera son idée ..